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Le Retour vers la Mer
22 juillet 2011

Bélem, avril 2010, une nouvelle aventure : cap sur Saint Malo

  

L'arrivée sur Saint Malo 1

   Le programme de ce dernier jour est simple : navigation sous voiles jusqu'à Saint Malo, notre port d'arrivée.

9 H 30 : nous sommes entre Guernesey et le plateau des Roches Douvres. Tout est calme . Le BELEM poursuit tranquillement une route au 135, c'est-à-dire sud-sud-est.  

C'est l'heure de la conférence du Commandant . Le thème du jour : " La course du blé ". 

Nous remontons le temps. Nous sommes après la première Guerre Mondiale . L'Europe, ravagée par 4 années de guerre , est exsangue. Les européens ont un besoin impératif d'importer certaines denrées qu'ils ne produisent plus , notamment du blé.  L'armateur finlandais Gustaf Erikson, rachète quelques uns des derniers 4 mâts-barque qui naviguent encore . Sur de très longues distances, au portant, ces bâtiments sont encore compétitifs face aux vapeurs. Va alors se dérouler une course effrénée pour rapporter en Europe, le blé australien .

                                         Gustaf Erikson

C'est cette " compétition " entre l'Australie et l'Europe qui est surnommée " la course du blé ".

Pour l'armateur, l'investissement est particulièrement lucratif , puisqu'il peut rapporter jusqu'à 10 fois la mise, dès le premier voyage. Certains voyages rapportent même jusqu'à 150 fois la mise initiale !!!

Les navires quittent l'Europe en septembre et arrivent en Australie en décembre. Le chargement du blé se déroule au sud-ouest de l'Australie , dans le Golfe de Spenser. Dans la cale d'un 4 mâts, on charge plus de 60 000 sacs de blé , à la main bien sûr ... Les navires sont prêts au même moment pour effectuer le voyage de retour qui les ramène en Europe en juin, après un périple de 15 000 milles. C'est alors à celui qui sera le plus rapide sur la route du retour.

Les capitaines se lancent des défis. Les journaux s'en saisissent . L'opinion publique se passionne.

Le record , appartient au PARMA, un navire de la célèbre P. Line, de l'armateur allemand Ferdinand Laeisz . En 1933, le PARMA, commandé par le capitaine Ruben de Cloux, ne met que 83 jours pour rallier l'Australie à l'Europe. 

          Ferdinand Laeisz             Ruben de Cloux

                         Le Parma

D'autres navires appartenant à la P. Line battent des records fabuleux. Ainsi le PASSAT, qui effectue 7 voyages avec une moyenne de 99 jours par voyage. Et le POTOSI, qui établit un record à 19 noeuds de moyenne sur 24 H. Ou le POMMERN qui rallie l'Irlande à l'Australie en 78 jours.

Mais il n'y a pas que les bateaux de la P. Line qui participent à la compétition. Ainsi le MOSHULU, ce 4 mâts-barque à coque acier, construit en Ecosse en 1904, qui parcourt 1000 milles en 3 jours et qui ne met que 8 jours pour couvrir la distance entre l'Australie et le Cap Horn...!

La dernière " course du blé " se déroule à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, en 1939. Et le dernier passage du Horn par des navires de commerce à voiles carrées a lieu en 1949 lors de la course entre le PASSAT et le PAMIR.

C'est grâce à  " la course du blé " , qu'on a conservé ces grands voiliers. Certains servent comme navires-écoles tandis que d'autres finissent sagement leurs jours dans un musée maritime. 

Ainsi le MOSHULU, aujourd'hui transformé en bateau-musée dans le port de Philadelphie aux Etats Unis. Ou encore le POMMERN, qui suit le même destin à Mariehamm en Finlande. Et le VIKING, bateau-musée à Göteborg en Suède.

                                                     280px-Moshulu_at_philadelphia

D'autres sillonnent toujours les mers. Tel le célèbre MAGDALENE VINNEN, rebaptisé SEDOV en 1950 , qui navigue comme navire-école de la marine russe. Et le PADUA, construit en 1925, qui devient le KRUSENSHTERN en 1946 quand il est acquis par l'URSS au titre des dommages de guerre.

Le SEDOV, j'ai eu la chance de le voir de très près , lors de Brest 2000. J'étais à bord d'un crevettier et nous sommes passés, très aisément, sous son bout-dehors. Il y a des jours où l'on se sent ridiculement petit...

Certains ont une fin tragique. C'est le cas du PAMIR qui sombre le 21 septembre 1957 dans l'Atlantique Nord , lors de l'ouragan Carie. Une explication est avancée quant au naufrage du PAMIR. Le navire charge des sacs de blé à Montevideo lorsqu'éclate une grève des dockers. La fin du chargement se fait en vrac, un peu n'importe comment. Lors de l'ouragan, le chargement ripe. Le PAMIR se couche et coule : il y a 80 disparus et seulement 6 survivants.

                                       Le Pamir

Je suis fascinée par le récit du Commandant CARIOU. Je suis dans le grand roof du BELEM , à couvrir de notes mon petit carnet bleu. Je ne veux rien perdre : pas un nom de ces fabuleux bâtiments, pas une date, pas une anecdote liée à leur histoire .

Alors, je ne suis plus vraiment là, à bord du BELEM , par cette belle matinée d'avril , à l'approche des douces côtes de France. Je suis ailleurs, à bord du PARMA ou du MOSHULU. Par 55 ° 58 ' S et 67 ° 17 ' W . Juste dans le travers du Horn . La mer est monstrueuse. Il fait froid. Il givre . Le vent est délirant. Le pont supérieur disparait sous chaque vague. Je dois grimper là-haut , tout au bout de la vergue du grand cacatois.

Je suis terrifiée...

La conférence du Commandant se termine et je redescends " sur terre " .

Tout va bien. Je peux refermer tranquillement les portes de mon imagination.

Nous avons dépassé le Plateau des Roches Douvres . Nous faisons route au 148 en direction du Cap Fréhel. Au large de celui-ci, nous prenons une nouvelle route , au 095 , quasiment plein Est. Nous filons à 4 petits noeuds. 

Je suis dans la timonerie . Il est 11 H 37 . Je lis les coordonnées géographiques sur le GPS : 49 ° 04 ' N et 2 ° 38 ' W . Il fait un temps magnifique . Oui, le Cap Horn est bien loin.........

Cet après-midi, Pierre, un des lieutenants , ouvre la boutique du bord, afin que ceux qui le souhaitent puissent ramener quelques souvenirs du BELEM. Lors de mon précédent stage , j'avais acheté 3 bonnets : un pour mon fréro, l'autre navigateur de la famille, un pour moi-même que je suis fière d'arborer dès que j'embarque sur un bateau. Le troisième , je l'ai bêtement offert à quelqu'un qui n'en avait rien à faire et sans doute a-t-il terminé au fond d'un placard , ou jeté directement à la poubelle ...celle des non-récupérables ...avec le reste de notre vie...

Alors cette fois-ci , j'achète un couteau-démanilleur, objet indispensable pour tout moussaillon qui se respecte et des livres pour les longues soirées d'hiver .

L'après-midi s'avance. Nous continuons à brasser, à hisser, à lover des bouts. 

 Poussin - Copie  A la manoeuvre - Copie

                Apprendre à lover

 La fin du stage est proche . Il va falloir mettre à terre mon sac de marin , déjà... J'ai " du vague à l âme ".

Alors que nous approchons de Saint Malo le temps se couvre. Dommage , car il y a-t-il plus belle arrivée que celle des abords de la Cité Corsaire ?

Vers 18 H 00, le Pilote monte à bord du BELEM.

Le_pilote_de_Saint_Malo_à _notre_rencontreCardinale NordL_'arrivée_sur_Saint_Malo_Le_Buron                     L_'arrivée_sur_Saint_Malo_2

Cardinale nord ( passe au nord !!! ), latérale tribord ( passe à babord ! ) , latérale babord ( passe à tribord ! ) : nous sommes dans le chenal d'accès. Le soleil s'infiltre à travers les nuages, et un rayon illumine les remparts . C'est magnifique !

                          L'arrivér sur Saint Malo 0

18 H 30 : nous sommes à l'entrée du sas de l'écluse .

                                           Dans_l_'Ecluse_du_Port_Vauban

20 H 00 : nous accostons dans le bassin Vauban. Le voyage est terminé.

Avec mon petit groupe de copains-copines, nous décidons de dîner à terre. Myriam connait les bonnes adresses. Nous voici attablés au " Corps de garde ", délicieuse crêperie sur les remparts. Le soleil se couche. La mer est en feu. Nous quittons notre table pour nous délecter du spectacle. C'est beau à vous couper le souffle , à vous donner des frissons, à en redemander.

Coucher_de_soleil_sur_la_baie_de_Saint_Malo_1

                              Coucher_de_soleil_sur_la_baie_de_Saint_Malo

Pourquoi n'est-il pas là à mes côtés pour partager cet instant ? Oui, décidément , beaucoup de " vague à l'âme " ce soir...

Allez, moussaillon, secoue-toi et reste dans ta lumière ! 

Après les galettes et les crêpes , nous nous offrons un tour à la Rhumerie pour déguster quelques petits rhums arrangés . Nous y retrouvons une bonne partie de l'équipage du BELEM.

 Un bon petit coin sur les remparts    La Rhumerie

Je passe le reste de la soirée à déambuler dans les rues de Saint Malo en compagnie de Poussin. Et il est très tard quand je me glisse pour la dernière fois dans ma bannette.

30 avril . 8 H 00 : je suis sur le quai à photographier le BELEM . J'en veux encore et encore des souvenirs de lui.

Avant la séparation de notre petit groupe, nous nous offrons un dernier temps fort. Poussin nous emmène visiter le fleuron de la flotte d'Etoile Marine Croisières , l'Etoile du Roy ( ex Grand Turk ), réplique du XVIIIième siècle d'une frégate corsaire . Ce fier bâtiment , 3 mâts carrés de 47 mètres , embarquait 240 hommes d'équipage et était armé de 20 canons. De quoi faire trembler les ennemis du Roi de France !

    Le Grand Turc   Le Grand Turc 2

Un autre bateau me fascine par la pureté de ses lignes : l'Etoile Polaire, ketch aurique de 33 mètres de longueur hors-tout , construit en Allemagne en 1914. Avec les copains, nous nous imaginons déjà nous retrouvant à son bord pour quelques navigations du côté des anglos-normandes . Plutôt sympa comme perspective !

                                         L'Etoile Polaire

Ils s'en vont pourtant, les uns après les autres, sauf l'ami-Poussin. Nous passons la journée ensemble , à marcher sur les remparts et sur la plage.

    Gigi, Jean Luc, Cathy, Juliette, Poussin et Aurélie -   Jean Luc et Poussin

Poussin me conduit à la gare où , comme un dernier clin d'oeil, nous croisons les 2 Commandants du BELEM, Yann Cariou et Jean-Alain Morzadec : l'heure de la relève est là pour eux aussi.

Je suis dans le train qui me ramène à mon port d'attache . Je vais retrouver Le Croisic . Je n'ai pas le droit d'être triste ...

                                   A_quai_dans_le_port_Vauban

 

 

 

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  • Les vicissitudes de la vie me conduisent à tourner la page que je pensais si solide et à retourner vers celle qui fut si longtemps ma complice : la Mer. Toutes voiles dehors ! Je vous invite tout simplement à découvrir et à partager ma route.
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