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Le Retour vers la Mer
14 juillet 2010

Bélem, avril 2010 : une nouvelle aventure : le départ de Brest

A_Brest__juste_avant_d_appareiller___Copie

5 H 30 : j'ouvre un oeil. Aucun bruit à bord . Je me glisse le plus silencieusement possible hors de ma banette . Direction la douche, histoire de voir le monde avec un autre regard.

Le petit-déjeuner est pris à 7 H . Nous sommes tous installés autour de la longue table dans la batterie. Ca discute beaucoup , ça rigole : l'ambiance est bonne . Tant mieux.

7 H 30 : je grimpe sur le quai pour faire quelques photos. Ce ne sont pas les sujets qui manquent . Et tout d'abord , juste face à moi, L'Abeille-Bourbon, le remorqueur de haute mer baptisé à Brest le 13 avril 2005 où il est venu relever le célèbre Abeille-Flandre. L'abeille-Bourbon aligne ses 80 m de long et 16,50 de large . Ce bateau , il respire la puissance : très impressionnant.

Je me souviens d'un fascinant reportage de " Thalassa  " montrant l'Abeille- Flandre dans la tempête , dans les parages d'Ouessant . J'ai aussi en mémoire une phrase prononcée par son Commandant  : " L'Abeille , le seul bateau qui sort lorsque les autres rentrent ". Je me sens toute petite...

                                               L__Abeille_Bourbon                        L_Abeille_Bourbon_1

Et puis, il y a aussi La Recouvrance, ce bateau qui porte le nom du célèbre quartier de Brest , réplique d'un aviso du siècle passé et qui a été mis à l'eau lors du grand rassemblement de 1992.

                                                      La_Recouvrance

Et dans le bassin tout proche, des navires de pêche qui sont autant de taches de couleur sous le gris du ciel.

                                             La_flotte_de_p_che                  La_flotte_de_p_che_1

Chaque matin, le Commandant affiche sur un tableau situé sur le pont, le programme de navigation, les services à exécuter, le sujet de la conférence qu'il nous donnera et un proverbe marin. Ah ! le proverbe marin, quel grand bonheur ! Celui que je découvre est en breton : normal, nous sommes à Brest même, gast donc ! Je cite : " Gwalarn calmet diouz an noz Sud pe gevert d'hanternoz ". Ce qui, comme chacun l'a bien compris , signifie : " Vent de noroit faiblissant à la tombée du jour, vent de sud à sud-est à minuit ".

                                                      Francis___l_appareillage

  Il est 9 H quand la longue coque noire du Bélem se déhale du quai. Nous sommes face au vent, nous partons au moteur et le resterons durant toute la sortie par le goulet de la rade de Brest. Le temps est particulièrement bouché . C'est à peine si nous apercevons les Tas de Pois , guetteurs vigilants au pied de la Pointe de Pen-Hir. Dommage car ici, la côte abrupte et découpée, est vraiment magnifique.

Rayon_de_soleil_sur_la_rade  sortie_de_la_rade  sortie_de_la_rade_1

Lors de ce premier jour de navigation, le 2° Tiers auquel j'appartiens assurera deux quarts : le 12- 15 H et le 20-24 H : cool !!!

Nous prenons donc notre repas au premier service de 11 H . La table du Bélem est toujours bonne et copieuse : salade composée avec petits magrets fumés; veau à la crême accompagné de chou et carottes ; fromage; crême brûlée. De quoi caler solidement nos estomacs de marins !

Après la sortie du goulet , le moment est venu de hisser la voilure . Alors, hardi moussaillon et courage. Car il en faut pour brasser et hisser !

L'allure bien établie, une première précaution s'impose : notre entraînement à la manoeuvre d'abandon du navire . C'est Xavier qui nous instruit . Gilet de sauvetage enfilé, il agrémente ses explications par des mimiques des plus comiques . On dirait une hôtesse de l'air à bord d'un de ces engins volants qui sillonnent le ciel. Nous , nous sommes sur la mer jolie. Mais les gestes , les pratiques, les contraintes, sont souvent identiques. Et le plaisir aussi...

                                                   manoeuvre_d_abandon_du_navire_avec_Xavier 

Dans l'après-midi, Tafité, le matelot-gabier originaire de Wallis et Futuna, nous réunit au pied du Grand-mât pour un cours de gréement. Il s'agit d'apprendre à reconnaître les différents bouts et à comprendre leur fonction.

Tout d'abord , ceux qui servent à carguer les voiles, c'est-à-dire à les ramener à environ 1 mètre le long des vergues, les gabiers n'ayant plus ensuite qu'à finir de les replier et de les serrer . Tafité nous montre les différents points de tournage des cargues de la Grand voile, qui sont situés sur les rateliers de pied du Grand-mât. Chaque cargue porte un nom particulier : cargues-point, cargues-bouline, cargues fond d'en dehors, cargues-fond d'en dedans. J'élargis mon vocabulaire maritime.

Mais sur le Trois-mâts Bélem, rien n'est simple en matière de gréement ! Et les cargues des autres voiles du Grand-mât ne sont pas au pied de celui-ci ,comme on pourrait l'imaginer, mais au pied des haubans ! Alors la petite troupe se déplace pour poursuivre son apprentissage. Autant de cargues pour le Grand Hunier fixe et le Grand Hunier volant que pour la Grand-Voile . Mais pour les voiles les plus hautes, Grand Perroquet et Grand Cacatois, les cargues sont moins nombreuses . Donc, pour le Grand-Perroquet, seulement 3 séries de cargues : cargues-point, cargues-bouline et cargues-fond. Et pour le Grand Cacatois, seulement deux séries : cargues-point et cargues-mixte .

On retrouve exactement les mêmes principes pour le mât de Misaine ( le plus à l'avant ) . Les points de tournage de la Misaine proprement dite ( la plus basse voile de ce mât ) sont donc situés au pied du mât de même nom et ceux des autres voiles sur le pavois, à l'avant.

                                                     Bouts_tourn_s_sur_les_cabillots_au_pied_du_grand_m_t               Bouts_tourn_s_sur_les_cabillots_au_pied_du_Grand_M_t                                       

   Avez-vous tout compris ? Oui, alors c'est tant mieux car il ne s'agit là que d'une toute petite partie du gréement du Bélem...

Car bien sûr, on ne se contente pas de carguer les voiles ! Il faut aussi hisser les vergues volantes ( Grand et Petit Huniers volants, Grand et Petit Perroquets, Grand et Petit Cacatois ) .

Et puis évidemment il faut hisser les voiles et pour cela peser sur les écoutes . Alors, où sont-elles ces fameuses écoutes ? Celle de la Grand Voile, sur le pavois, au pied de la Dunette. Et celles des autres voiles du Grand Phare ? Et bien, sur les rateliers au pied du Grand Mât , pardi ! Et pour le Phare de Misaine , là encore la même organisation s'applique . L'écoute de Misaine ( de la voile qui porte ce nom ) est tournée sur un cabillot situé sur le pavois , à peu près au centre du bateau et les autres écoutes, sur les rateliers au pied du Mât de Misaine.

Et il y a les bras , c'est-à-dire ces filins qui servent à orienter les vergues. Alors là, suivez-moi bien ! Les bras des trois vergues les plus basses ( Grand-Voile, Grand Hunier fixe , Grand Hunier volant ) sont " reportés " sur chaque bord à l'extérieur du bateau sur des petites vergues spéciales appelées Vergues de brasseyage . Et les bras " reviennent " à bord où ils sont tournés sur des cabillots . 

J'écoute Tafité avec la plus vive attention . Je voudrais tellement progresser et même maîtriser tout cela. Que tout cet enchevêtrement de bouts, de poulies et de cabillots n'ai plus de secrets pour moi !  Combien faudra-t-il encore de stages sur le Bélem pour en arriver là ? Pour le moment, Tafité nous questionne : nos hésitations, nos erreurs, le font sourire gentiment. Mais il n'est pas avare de félicitations quand la réponse est exacte.,

Le Bélem file à petite allure : 4 à 5 noeuds , dans une mer peu agitée. Seule une légère houle vient nous rappeler que nous sommes déjà bien au large. Cap au 330 . Direction Nord Nord Ouest . Sous un ciel de plus en plus dégagé.

Finalement , une très bonne allure pour la pêche aux maquereaux ...Si bien que le Commandant installe une traîne avec la ferme intention d'attraper une petite lisette pour son dîner. Et ça mord . Deux, trois, .... vingt, vingt cinq . A trente maquereaux , j'arrête de compter.

   Et_un_maquereau__                               Le_Commandant___la_manoeuvre                               Le_d_ner_s__annonce_bien

   A ce rythme là, c'est tout l'équipage et les stagiaires qui vont pouvoir se régaler ! Un matelot installe une deuxième traîne , histoire de doubler la mise . En vain. Les maquereaux ont décidé que seule la ligne du Commandant valait la peine de se sacrifier . Auraient-ils le sens de la hiérarchie ?

Je suis de quart du soir, le 20 H - 24 H . Me voilà " disponible " durant le premier tiers-temps . Le Commandant n'est plus là, mais la ligne, elle, est toujours installée. La tentation est trop forte : je me mets à pêcher à mon tour. Un, deux....j'attrape six poissons. Après avoir si souvent pêcher des maquereaux à bord du Vaurien de Papa, qui aurait dit qu'un jour, je le ferais depuis la dunette du Bélem...

Après 1 H 20 passée ainsi à titiller le poisson, les choses sérieuses commencent : c'est l'heure de barrer. Le vent est faible, bien établi , la houle régulière. Tenir le cap n'est pas trop difficile dans ces conditions idéales et je suis une route " à peu près " droite , sous l'oeil attentif du matelot de quart. Ouf !!!

A_la_barre__

Il faut toutefois être très vigilant car nous sommes au beau milieu du rail et croisons la route des cargos qui embouquent la Manche. Les distances ne sont pas faciles à apprécier et l'identification des bateaux moins simples que dans le Code Rousseau ! Une chose est sûre : tous les bâtiments que nous croisons sont des " navires à propulsion mécanique de plus de 50 mètres " , reconnaissables grâce aux deux feux blancs  en tête de mât. Pour le reste, je fais confiance à l'équipage .

                                                   Au_milieu_du_rail 

Le dernier tiers-temps est celui de la veille sur le gaillard. Malgré mes cinq ou six couches de vêtements , auxquelles s'ajoutent bottes, écharpe, bonnet et gants, il ne fait pas bien chaud à l'avant du bateau. Le ciel étoilé se voile et se découvre, tour à tour. La lune éclaire le sillage du Bélem. Tout est calme . Je suis bien. Est-ce qu'il y a besoin d'autre chose dans la vie ? En cet instant, sûrement pas ...

Minuit : le quart de relève se présente . Je me glisse avec délectation dans ma banette : ici, il fait bien chaud . Je me laisse bercer .

Mon sommeil sera juste entrecoupé à 4 H par le changement de quart, malgré les précautions de ceux qui se lèvent et de ceux qui se couchent. 

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  • Les vicissitudes de la vie me conduisent à tourner la page que je pensais si solide et à retourner vers celle qui fut si longtemps ma complice : la Mer. Toutes voiles dehors ! Je vous invite tout simplement à découvrir et à partager ma route.
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